Wednesday, May 30, 2012

Le complexe de castration d'Eric Zemmour


Que cessent les attaques d'Eric Zemmour contre Christiane Taubira
Article paru dans l'édition du Monde du 26.05.12

Depuis la formation du gouvernement, Christiane Taubira, nouvelle ministre de la justice, fait l'objet de critiques répétées. Accusée d'angélisme, de communautarisme et d'un passé indépendantiste par le Front national et l'UMP, elle semble concentrer les espoirs les plus fous de la droite et de l'extrême droite. Et si cette ministre était l'épouvantail parfait pour poursuivre la dynamique suintant le racisme qui aurait permis à Marine Le Pen de réaliser un score élevé à l'élection présidentielle et à Nicolas Sarkozy de « limiter la casse » le 6 mai ?
Ces attaques sont sournoises et masquées. Les détracteurs se défendront de vouloir mobiliser une partie de l'électorat contre la couleur de peau de Christiane Taubira, tout comme ils se défendirent de tirer sur Rachida Dati en raison de ses origines maghrébines lorsque celle-ci accéda à la même fonction régalienne.
Lors de sa chronique du 23 mai sur RTL, Eric Zemmour ne prit pas de telles précautions. Attaquant Christiane Taubira sur sa volonté de réinscrire dans le code pénal le délit de harcèlement sexuel invalidé par le Conseil constitutionnel, il s'épancha une fois de plus dans un positionnement digne de ce machisme grossier dont il ne se départ plus.
Car, pour Eric Zemmour, le délit de harcèlement sexuel est une entreprise dirigée contre les hommes. Peu importe que les lois de 1992 et de 2002 sur le harcèlement sexuel n'identifient évidemment pas le sexe des auteurs et des victimes potentiels. Il ne s'arrête pas à ces détails qu'un minimum de déontologie journalistique lui aurait pourtant commandé de présenter.
Mais Eric Zemmour va plus loin en exhumant sa vision racialisée de la société. Car qu'on se le tienne pour dit : le délit de harcèlement sexuel n'est pas simplement une attaque contre les hommes, réduits à ne plus pouvoir se détendre avec une petite main aux fesses ou à travers la sollicitation contrainte de faveurs sexuelles. Non, pour Eric Zemmour, ce que Christiane Taubira attaque, ce sont les hommes blancs.
Des hommes blancs qu'il prétend « défendre » (n'a-t-on pas connu meilleure protection ni meilleur avocat ?) en exaltant le bon temps de l'infériorité des femmes, des Noirs et des Arabes. Pour Eric Zemmour, la marche vers l'égalité qui est en train de mettre fin aux anciens rapports de sujétion est vécue comme une lente, douloureuse et inexorable chute qui n'est pas, à la lecture et à l'écoute de ses « pensées », sans créer chez lui un manifeste complexe de castration.
Complexe encore une fois présent dans sa chronique anti-Taubira puisque, au fil de ses élucubrations, Eric Zemmour nous gratifia de nouveau d'une vision des jeunes de banlieue, traversée de la crainte de leur puissance et de leur violence (remarquons au passage qu'Eric Zemmour glisse, en matière de délinquance, de la question des mineurs à celle des jeunes de banlieue).
Or, il est utile de rappeler que la vision que se fait Eric Zemmour des jeunes de banlieue est également très racialisée, comme le montrèrent les débats judiciaires qui aboutirent à la condamnation pour incitation à la discrimination raciale prononcée à son encontre le 18 février 2011.
Selon Eric Zemmour, l'« homme blanc » verrait donc sa virilité remise en cause par celle d'hommes noirs et arabes qui, eux, ne seraient pas soumis à la féminisation imposée aux hommes blancs par les militants pour l'égalité. Espérons qu'un jour les complexes d'Eric Zemmour se résoudront sur un divan plutôt que par l'expression radiophonique d'une haine quotidienne obligeamment permise par la sollicitude de RTL à l'endroit de ce personnage.
Dominique Sopo



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