Que cessent les attaques d'Eric Zemmour contre Christiane Taubira
Article paru dans l'édition du Monde du 26.05.12
Depuis la formation du gouvernement, Christiane
Taubira, nouvelle ministre de la justice, fait l'objet de critiques répétées.
Accusée d'angélisme, de communautarisme et d'un passé indépendantiste par le
Front national et l'UMP, elle semble concentrer les espoirs les plus fous de
la droite et de l'extrême droite. Et si cette ministre était l'épouvantail
parfait pour poursuivre la dynamique suintant le racisme qui aurait permis à
Marine Le Pen de réaliser un score élevé à l'élection présidentielle et à
Nicolas Sarkozy de « limiter la casse » le 6 mai ?
Ces attaques sont sournoises et masquées. Les
détracteurs se défendront de vouloir mobiliser une partie de l'électorat
contre la couleur de peau de Christiane Taubira, tout comme ils se
défendirent de tirer sur Rachida Dati en raison de ses origines maghrébines
lorsque celle-ci accéda à la même fonction régalienne.
Lors de sa chronique du 23 mai sur RTL, Eric Zemmour
ne prit pas de telles précautions. Attaquant Christiane Taubira sur sa
volonté de réinscrire dans le code pénal le délit de harcèlement sexuel
invalidé par le Conseil constitutionnel, il s'épancha une fois de plus dans
un positionnement digne de ce machisme grossier dont il ne se départ plus.
Car, pour Eric Zemmour, le délit de harcèlement
sexuel est une entreprise dirigée contre les hommes. Peu importe que les lois
de 1992 et de 2002 sur le harcèlement sexuel n'identifient évidemment pas le
sexe des auteurs et des victimes potentiels. Il ne s'arrête pas à ces détails
qu'un minimum de déontologie journalistique lui aurait pourtant commandé de
présenter.
Mais Eric Zemmour va plus loin en exhumant sa vision
racialisée de la société. Car qu'on se le tienne pour dit : le délit de
harcèlement sexuel n'est pas simplement une attaque contre les hommes,
réduits à ne plus pouvoir se détendre avec une petite main aux fesses ou à
travers la sollicitation contrainte de faveurs sexuelles. Non, pour Eric
Zemmour, ce que Christiane Taubira attaque, ce sont les hommes blancs.
Des hommes blancs qu'il prétend « défendre »
(n'a-t-on pas connu meilleure protection ni meilleur avocat ?) en exaltant le
bon temps de l'infériorité des femmes, des Noirs et des Arabes. Pour Eric
Zemmour, la marche vers l'égalité qui est en train de mettre fin aux anciens
rapports de sujétion est vécue comme une lente, douloureuse et inexorable
chute qui n'est pas, à la lecture et à l'écoute de ses « pensées », sans
créer chez lui un manifeste complexe de castration.
Complexe encore une fois présent dans sa chronique
anti-Taubira puisque, au fil de ses élucubrations, Eric Zemmour nous gratifia
de nouveau d'une vision des jeunes de banlieue, traversée de la crainte de
leur puissance et de leur violence (remarquons au passage qu'Eric Zemmour
glisse, en matière de délinquance, de la question des mineurs à celle des
jeunes de banlieue).
Or, il est utile de rappeler que la vision que se
fait Eric Zemmour des jeunes de banlieue est également très racialisée, comme
le montrèrent les débats judiciaires qui aboutirent à la condamnation pour
incitation à la discrimination raciale prononcée à son encontre le 18 février
2011.
Selon Eric Zemmour, l'« homme blanc » verrait donc
sa virilité remise en cause par celle d'hommes noirs et arabes qui, eux, ne
seraient pas soumis à la féminisation imposée aux hommes blancs par les
militants pour l'égalité. Espérons qu'un jour les complexes d'Eric Zemmour se
résoudront sur un divan plutôt que par l'expression radiophonique d'une haine
quotidienne obligeamment permise par la sollicitude de RTL à l'endroit de ce
personnage.
Dominique Sopo
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